POUVONS-NOUS CONTENTER TOUT LE MONDE ?
Depuis une quinzaine d'années, la programmation des concerts
d'abonnement a résolument changé d'orientation, nous cherchons à
apporter plaisir et découverte à un public aussi large que possible.
Certes il y a plus de vingt ans, Louis de Froment dirigeait la
symphonie Tuarangalîlâ d'Olivier Messiaen, qui n'a plus été jouée
depuis (mais qui le sera à nouveau prochainement dans le Festival de la
Sarre), bien qu'étant considérée comme une oeuvre majeure du siècle
que nous venons à peine de quitter.
La programmation des concerts est le problème le plus ardu qui se pose
à la direction d'un orchestre. Il est hors question de jouer devant des
chaises vides. Faut-il pour cela se laisser aller à la "démagogie
musicale" ? Certains optent en effet pour une solution de facilité:
Haydn, Mozart, Beethoven, Brahms à longueur de temps. Un public s'en
satisfait; à la recherche d'un délassement supposé facile. Nous le
voyons ici à Luxembourg, et le constatons auissi dans certaines villes
étrangères, et pas des moindres.
A l'OPL, nous avons opté pour une autre politique depuis des
nombreuses années, tout en cherchant à ne pas négliger les grands
compositeurs universellement consacrés. Nous jouons aussi ce répertoire
et essayons de le répartir au cours des années, des interprètes
diversifiés, et de valeur, pouvant communiquer au public leur version,
leur compréhension d'une oeuvre donnée. Nous avons eu il y a peu les
très célèbres et magnifiques 1er et 5ème concertos pour piano de
Beethoven, par des interprètes captivants, d'une qualité rare. Nous
avons eu un jeune chef allemand qui nous a interprété du Lutoslaski et
une symphonie de Haydn, le tout absolument passionnant. Il serait possible
d'en citer aussi des dizaines d'autres.
Le fait de tenter d'élargir l'horizon musical tant de l'orchestre que
du public ne satisfait évidemment pas tout le mode, mais nous restons
persuadés qu'une très large majorité de notre public est favorable et
manifeste un intérêt évident pour cette politique artistique, laquelle
ne fait d'ailleurs preuve d'aucune agressivité, et ne veut choquer
personne; nos programmes se veulent enrichissant; sur le plan du
répertoire, et des interprétations.
David Shallon, directeur musical de l'orchestre, apporte sa touche
personnelle, principalement dans un répertoire pour grande formation, qui
le passionne, et aussi en proposant deux semaines, soit trois programmes,
entièrement dédiés à un grand compositeur récent.
Nous veillons à ce que d'autres chefs d'orchestre contribuent à la
découverte d'autres oeuvres importantes, et c'est ainsi que, en une bonne
dizaine d'années, nous avons donné les sept symphonies de Jean Sibelius,
trop peu jouées en Europe continentale. L'OPL n'avait pas, jusqu'il y a
peu, l'effectif nécessaire pour aborder les grandes symphonies de
Bruckner, mais nous venons de donner, en deux saisons, ses 7ème et 8ème
symphonies, dirigées par un chef d'orchestre de grande classe: Stanislaw
Skrowaczewski. Le public qui a entendu ces deux concerts sait à présent
que l'OPL peut le satisfaire et répondre à cette politique.
Phénomène plus nouveau et intéressant, lié cette fois à la
nouvelle structure de la direction depuis 1996: les enregistrements
discographiques de l'OPL. Certains s'étonneront peut-être que nous
n'enregistrions pas, nous non-plus, une nouvelle version de la 7ème de
Beethoven ou de la 1ère de Brahms. Certes, un tel disque pourrait
peut-être recueillir un succès national mais, à l'extérieur de nos
frontières combien exiguës, passerait totalement inaperçu. Aussi l'OPL,
par un répertoire original, de fraye-t-il un chemin dans le secteur
tellement saturé du disque et se crée ainsi une image de marque reconnue
dans la presse spécialisée internationale. Les grandes revues
discographiques à Paris, à Londres, à New York ont accordé diverses
distinctions de haut niveau à nos récents enregistrements, consacrés à
des compositeurs du XX ème siècle, postromantiques, ou résolument
plus novateurs.
Francis Poulenc, Jean Cas, Lili Boulanger (extraordinaire compositrice
décédée à l'âge de 25 ans et sœur cadette de Nadia Boulanger !),
Maurice Ohana (trois CD), Arthur Honegger, Ernest Bloch. Voilà des
auteurs, que tout amateur un peu curieux et intéressé se doit d'écouter
sans délai, sans parler d'une ravissante musique de ballet de Gabriel
Pierré (dirigée par David Shallon), et d'un CD consacré à Xenakis (et
dirigé par Arthur Tamayo), qui sont déjà enregistrés, et paraîtront
dans les prochains mois.
Nous vous souhaitons une agréable saison 2000-2001
Olivier
Frank
Jaques Mauroy
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